« LE JOOLA, LE NAUFRAGE DE LA HONTE »

La colère d’un parent de victime Français

Après le livre d’Ari Gounougbé, intitulé « Dans la tempête du Joola », celui de Nassardine Aïdara, qui raconte le témoignage d’u parent de victime et l’étude réalisée par l’Institut Panos de Dakar, voilà une autre oeuvre sur le Joola. Paru en France aux éditions « Aapédition », « Le Joola, le naufrage de la honte » n’échappe pas à la règle. C’est encore une condamnation sans appel, un cœur qui parle, un homme excédé par la douleur et qui crie sa colère.

L’auteur du dernier ouvrage sur le naufrage du bateau Le Joola est un jeune étudiant Français de la faculté de droit de à Marseille. Âgé de 28 ans et marié à une Casamançaise depuis une dizaine d’années, il est aussi passionné par la région Sud du Sénégal qu’il a visité plusieurs fois. Au moment du naufrage du bateau, il était encore en France, au chevet de sa mère, malade et en réanimation. Il n’a pas pu venir consoler ses amis et les parents de son épouse, mais le naufrage l’a marqué, du fait de son ampleur et du drame qu’il a causé dans de nombreuses familles.

Alors, Bruno Parizot a voulu en savoir plus, révolté qu’il était par la tragédie. C’est ainsi que lui est venu l’idée d’écrire un ouvrage intitulé « Le Joola, le naufrage de la honte ». Un titre évocateur d’un certain ressentiment. Pour écrire son livre, il lui a fallu des recherches énormes, pas moins de cinq voyages en Casamance. « J’ai lu plus de 4000 pages de documents, d’articles de presse, de rapports, et près de 3900 heures de travail, dans la douleur et les difficultés », raconte Bruno Parizot.

L’auteur de « Le Joola, le naufrage de la honte », en arrive à la triste conclusion qui condamne sans appel les autorités. « Plus de 2 300 personnes y ont perdu la vie. Comment j’arrive à ce chiffre terrifiant, comment le pouvoir politique a ordonné la reprise des rotations, sans tenir compte des avis techniques, et sachant pertinemment que le MS Le Joola n’était pas sûr. Comment le côté sécuritaire ne date pas de l’arrêt des rotations, en 2001, mais bien de 1996, où, pendant 5 ans, ce ferry a navigué en violant toutes les règles élémentaires de sécurité et de prudence. Une catastrophe devait tôt ou tard arriver ; elle a été précipitée lors de cette dernière rotation, faisant un maximum de victimes », confie encore Bruno Parizot.

Pour lui, les lecteurs de l’ouvrage le trouveront utile, riche d’informations, apportant de « vraies réponses sur ce qui s’est passé avant, pendant et après la tragédie du 26 septembre 2002 ».
Bruno Parizot crie au scandale, au mépris et à l’injustice. Son gouvernement, français notamment, n’échappe pas à ses foudres, tout autant que la presse de son pays qui a relégué la tragédie du Joola au second plan.

Moussa DIOP

TROIS QUESTIONS A BRUNO PARIZOT

Comment justifiez-vous le titre, « Le joola, le naufrage de la honte » et sur quels aspects du naufrage l’ouvrage revient exactement ?

Le titre est clair, ce naufrage est une Honte par l’attitude tout à fait questionnable des autorités sénégalaises dans leur ensemble ; tout est une honte, dans ce drame, du jour du drame à aujourd’hui. Le livre revient sur tous les aspects. Des rapports de 1996 à l’arrêt des rotations en 2001 ; de la reprise des rotations en septembre 2002 au naufrage, en passant par les secours, les conséquences, le deuil, les indemnisations, etc.

Quel regard jetez-vous sur la gestion que le gouvernement du Sénégal a faite de ce dossier ?

Comme je le dis ci-dessus, sa gestion a été catastrophique et irrationnelle. Certains de vos confrères ont parlé de deuxième naufrage, c’est bien le cas. Dans d’autres pays, le gouvernement aurait été limogé, le président aurait démissionné et l’ensemble des militaires aurait été traduit en cour martiale et condamné à au moins 15 ans de prison. La gestion des familles a été terriblement éprouvante et écœurante. Tout a été fait pour que le drame soit oublié, que personne n’en parle et, en Europe, c’est bien le cas.
Pour le deuxième anniversaire, il n’y a rien eu dans la presse française, hormis 4 lignes dans Le Figaro et 20 minutes [journal gratuit], le 27 septembre, alors qu’une vingtaine de nos compatriotes y ont perdu la vie, sans parler des 2280 autres victimes africaines et casamançaises en particulier.

Et le gouvernement français ?

Je pourrais également parler de la gestion de mon propre gouvernement qui aurait dû faire intervenir les forces françaises du Cap-Vert et de Ouakam, car à quoi bon avoir près de 3000 hommes sur place, si lors d’une tragédie comme celle du MS LE JOOLA, il faut attendre des heures une demande d’assistance !
Le Quai d’Orsay aurait dû ordonner immédiatement, après avoir été informé de la catastrophe, le déploiement de nos moyens militaires pour porter assistance aux naufragés, ce qui aurait permis de sauver au moins 200
à 250 vies supplémentaires. C’est une leçon pour notre pays, car d’autres, comme les Etats-unis, seraient intervenus sans attendre. Au nom d’une opération de sauvetage, et donc humanitaire, dans les eaux territoriales d’un pays souverain. La Gambie aurait sans hésitation donné son accord pour un tel déploiement. Les événements ont été tout autre, malheureusement, mais la France n’était peut-être pas préparée à une telle tragédie…
Pour terminer, je voudrais dire à l’ensemble des familles que la lutte continue pour l’honneur et la dignité de ces disparus et qu’il ne faut pas baisser les bras. Au contraire, il faut se battre, toujours se battre, pour que la vérité soit connue du monde entier…
Propos recueillis par Moussa DIOP

 

Moussa DIOP Groupe Sud Communication – 5 novembre 2004